LA BEAUTÉ DE LA FÊTE : CÉLÉBRATION DE LA FRATERNITÉ
20 Octobre 2016 | par Elizabeth Leblanc | À lire
Quand les choses vont mal, quand le quotidien est triste, il faut savoir retrouver en nous un minimum de joie et de chaleur. Et si nous avons du mal à nous laisser habiter par la joie, la fête fournit cette occasion de vivre ensemble un moment où la gaité repousse la tristesse et le partage repousse la solitude. Faire la fête c’est se réjouir ensemble, passer un moment de joie et de partage où chacun a sa place.
Mais qu’est-ce que la joie ?
La joie est une émotion plus profonde que le plaisir, plus concrète que le bonheur, une émotion qui emporte tout l’être. Je ne parle pas bien sûr de l’éclat de joie superficiel et éphémère mais de cette joie profonde et stable, voie de libération intérieure qui nous mène à devenir de plus en plus nous-même.
Mais même si on désire ardemment cette joie, elle ne se décide pas, surtout si notre contexte de vie est difficile ou douloureux. Par contre, on peut se tourner vers ce qui génère la joie et nous permet de vivre les aléas de la vie avec recul et confiance.
L’une des premières sources de joie, c’est d’être capable de laisser derrière soi les difficultés, les points négatifs de notre passé, les choses lourdes et douloureuses. C’est la capacité de se libérer de ces souffrances même si, parfois, on a l’impression qu’elles font définitivement partie de nous. Nous sommes certes pétris et très entravés par ce qui nous est arrivé dans notre histoire, mais cela n’empêche pas et d’avoir le désir de changer de se libérer de ce qui nous entrave. Pour se réconcilier avec soi-même, il s’agit de reconnaitre ce qui est positif dans notre vie, en toute modestie. Nous arrivons à des sentiments qui sont alors de l’ordre du partage, du plaisir, de l’amour. La joie vient d’une paix profonde avec soi-même et avec les autres.
Une autre source de joie consiste à accepter le monde comme il est, à s’accepter soi-même comme on est, dans une juste communion avec tout ce qui nous entoure. Cela inclut l’acceptation de l’aspect limité et perfectible de l’être humain. Il ne s’agit pas de faire du positivisme mais de décider de voir la bouteille à moitié pleine plutôt qu’à moitié vide. L’idéal de la sagesse définie par les anciens se définit par la liberté intérieure, celle qui ne fait plus dépendre notre bonheur ou notre malheur des circonstances extérieures. Consentir à la vie, s’appuyer sur elle en l’aimant telle qu’elle est, c’est cela qui est source de joie.
La joie parfaite réside dans ce grand « oui » à la vie, dans la force du consentement. Le chemin de la joie passe aussi par un chemin vers l’autre, un chemin d’amour et de communion. Car comme la vie repose sur un échange permanent, il n’y a de joie réelle sans engagement auprès d’autrui.
La fraternité
Bien qu’elle fasse partie de la devise française, avec la liberté et l’égalité, la notion de fraternité fait figure de parent pauvre. On ne sait pas vraiment ce que c’est, on n’en parle pas vraiment.
La grande question est de savoir « qui est mon frère ? ». En premier lieu, on parle généralement du cercle restrictif de la famille, qu’on peut éventuellement amplifier à la « famille élargie », aux amis, au sympathique voisin de palier, à la communauté du quartier… Mais très vite on se heurte au problème de « l’étranger » : dès qu’il s’agit de la différence que l’autre présente (de couleur, de culture, de croyances religieuses ou politiques, de régime alimentaire … ou simplement différence d’opinion), la fraternité humaine - la seule véritable fraternité – a bien du mal à s’imposer.
La vraie fraternité – celle qui voit au-delà des différences - est force de vie. Ce n’est pas un choix affectif comme l’amitié, c’est un fait originel à la fois biologique et ontologique. La vraie fraternité se travaille, se cultive, se développe. Elle repose sur la perception de l’humanité, qui est une et prévaut sur les différences individuelles. Si j’ai le droit d’exister avec mes singularités, l’autre aussi a le droit d’exister avec ses particularités. Plus je me développe moi-même, plus j’accepte mes singularités, plus je peux aller vers l’autre, le rencontrer et l’apprécier dans ses singularités. Et si je peux le considérer comme un autre moi-même, avec compassion et respect, alors j’entre dans la joie du partage et je peux alors sentir en moi ce qu’est vraiment la communauté humaine. Car notre existence humaine est tissée, nourrie, de liens.
Être en fête
Car finalement, c’est seulement quand nous sommes dans un lien fraternel que nous pouvons nous sentir le cœur en joie, que nous pouvons vivre pleinement la fête.
Car finalement, c’est seulement parce qu’il y a entre nous un sentiment d’appartenance à une même communauté humaine et un sentiment de reconnaissance de chacun, quel qu’il soit, que nous pouvons être vraiment le cœur en fête.
Depuis que les débuts de la communauté humaine, des rituels et des célébrations ont été instaurés, comme autant d’occasions de se retrouver ensemble et de renforcer ainsi les liens de cohésion et l’homogénéité du corps social. Encore aujourd’hui, les fêtes collectives (Noël par exemple) ou plus privées (anniversaires par exemple) nous réunissent en groupes plus ou moins importants dans laquelle nous partageons joyeusement des valeurs communes.
Alors cessons de résister à cet élan qui part du fond de notre cœur. Sachons faire taire notre peur de l’autre, notre besoin de sécurité qui nous fait nous recroqueviller sur nous-mêmes. Libérons-nous de nos a priori et laissons éclater notre capacité à nous réjouir d’être en vie.
Nous avons la joie de nous réveiller tous les matins en vie. La joie, c’est la célébration de la vie et le partage de la fête.
Synthèse par Elizabeth Leblanc de sa conférence donnée le 16 mars 2016